Posted on 10 octobre 2011.
10/10/2011 – Site Mer&Marine – Reportage de Vincent Groizeleau – Photos de Michel Floch et Vincent Groizeleau.
Après son reportage du mois de février, et avant son transfert à la Marine le 21 octobre, Mer&Marine nous fait cette fois embarquer sur l’Adroit au cours de son premier périple vers Brest du 23 au 28 septembre 2011.
<Mer&Marine>
L'OPV Hermès, qui deviendra L'Adroit d'ici la fin du mois
Nous vous emmenons aujourd’hui à la découverte du dernier-né de DCNS, prototype de la gamme de patrouilleurs et corvettes de la famille Gowind. Nous avons eu l’opportunité d’embarquer sur ce navire et d’effectuer une navigation à bord, au large des côtes bretonnes. L’occasion d’apprécier ses caractéristiques et les innovations qui caractérisent ce nouveau patrouilleur.
L'Adroit à Brest avec le Monge en arrière plan
Dans la base navale de Brest, par ce petit matin précurseur d’une magnifique journée de septembre, on distingue au quai des flottilles une imposante silhouette. La tôle, flambante neuve, commence à se colorer des rayons du soleil levant, qui se mêlent à l’éclairage des lampadaires bordant le quai. En voyant l’OPV (Offshore Patrol Vessel), la première chose qui frappe est sa taille. Non sa longueur, qui n’est « que » de 87 mètres, soit environ celle d’un aviso du type A69, mais surtout sa hauteur et sa largeur. D’ailleurs, à Brest, L’Adroit s’est retrouvé durant le forum des garde-côtes de l’Atlantique nord à couple du Latouche Tréville. Et, vu de l’arrière, l’OPV ne dépareillait pas par rapport à la frégate anti-sous-marine, large également d’une quinzaine de mètres, mais beaucoup plus longue (139 mètres). Cette image permet également d’apprécier les mensurations des superstructures, avec une passerelle très haute pour un bâtiment de ce type.
L'Adroit à couple du Latouche-Tréville
Un bateau imposant
Cette configuration est voulue car, avec les nouveaux patrouilleurs, l’objectif n’est pas de se cacher au ras de l’eau mais bien de dominer la surface pour bénéficier d’une meilleure visibilité. La sortie de la base navale de Brest permet d’apprécier le nouveau genre de passerelle dont est doté L’Adroit. Véritable perchoir, la vaste timonerie, qui s’étale sur 120 m², offre une vue à 360 degrés. Et il est possible de se déplacer tout autour, grâce à une passerelle extérieure. « La vue est vraiment excellente et le champ de vision bien meilleur que sur les bateaux traditionnels, dont les passerelles ne sont pas aussi hautes au dessus de la mer », confie un marin.
Ce dernier fait partie du futur équipage du bâtiment. Mais, pour l’instant, il n’est là qu’en qualité d’observateur. L’Adroit appartient en effet à DCNS, qui l’a réalisé sur fonds propres, dans le cadre du programme Hermès, afin de disposer d’un prototype pour sa nouvelle gamme Gowind. « Il est toujours difficile de vendre un bâtiment qui n’existe pas. C’est pourquoi nous avons décidé de financer la réalisation d’un premier OPV afin que nous puissions l’éprouver à la mer et le présenter à des clients potentiels. Hermès va être mis à disposition de la Marine nationale, qui l’utilisera durant trois ans pour ses propres missions », explique un cadre du groupe naval.
Une première pour DCNS
Décidée début 2010, la construction du bâtiment a été menée tambour battant. La phase de réalisation a été lancée le 7 mai de la même année, la mise à l’eau est intervenue le 18 mai 2011 et la première sortie à la mer s’est déroulée le 27 juillet dernier. Libre de toute contrainte, DCNS a pu mener le programme à sa guise et en a même profité pour en faire un laboratoire industriel. Ainsi, un chantier dédié à l’OPV a été installé dans un ancien atelier composite du site de Lorient, où une équipe de DCNS et des sous-traitants se sont exclusivement consacrés au navire. Une nouvelle organisation industrielle a été mise en place, avec de nouvelles méthodes, afin de réduire les coûts et les délais. L’ensemble a constitué une petite révolution culturelle chez DCNS et a réclamé de gros efforts de la part des équipes. Mais, au final, le challenge est relevé, moins de 15 mois s’étant écoulés entre la découpe de la première tôle et la première sortie en mer.
Passerelle de L'Adroit au large du Cap de la Chèvre
Le défi de l’équipage réduit
Construit aux normes civiles, avec une certification délivrée par le Bureau Veritas, Hermès (même si on l’appelle déjà L’Adroit, le bâtiment est enregistré sous ce nom jusqu’à ce qu’il soit mis à disposition de la Marine nationale) bénéficie d’un très haut degré d’automatisation, qui a permis de réduire significativement l’équipage. Ainsi, il n’y aura que 32 marins (6 officiers, 3 officiers mariniers supérieurs, 17 officiers mariniers et 6 quartiers maîtres et matelots). « Ca va nous changer car, sur les avisos, qui sont de la même taille, l’équipage est de près de 90 personnes. L’équipage réduit est un vrai défi, c’est une expérience nouvelle pour la marine. Nous avons beaucoup plus de place mais nous allons devoir être plus polyvalents et effectuer plus de tâches différentes. Il y a aura pour l’équipage un côté touche à tout et plus de responsabilités. Par exemple, sur L’Adroit, j’aurai non seulement ma spécialité, qui est détecteur, mais je serai aussi avec les artilleurs pour la mise en œuvre des armes, ou encore avec les boscos pour le déploiement des embarcations », explique un second maître, membre du futur équipage. Pour faciliter le travail de cet équipage réduit, DCNS a conçu une plateforme très simple et bien pensée. Les différents locaux sont facilement accessibles et l’aménagement intérieur réduit les temps de parcours. Pour l’embarquement de vivres et de matériels, deux portes sur chaque bord, au niveau du pont principal, s’ouvriront sur le quai, avec un système de manutention de charges lourdes. Les marins vont aussi disposer du système de communication sans fil Sysmart, développé par DCNS pour faciliter les échanges à bord et améliorer la réactivité.
Marin utilisant le système Sysmart
La passerelle accueille le CO et le PC Avia
A bord, l’automatisation se traduit par de nombreux aspects. La propulsion est, par exemple, directement gérée depuis la passerelle. Sur l’avant de celle-ci, un ensemble de consoles et d’équipements regroupe toutes les fonctions liées à la conduite (navigation et propulsion). Le tout peut être géré par deux marins seulement. En retrait, on trouve également trois consoles multifonctions, qui font office de Central Opérations. Les consoles, reconfigurables à loisir, sont couplées au système de lutte Polaris, chargé de gérer l’ensemble des senseurs du bâtiment qui, grâce à la liaison de données L11, pourra être intégré à une force navale multinationale. « C’est l’une des grandes nouveautés de ce bateau. Il n’y a pas de local CO, dont les fonctions ont été intégrées à la passerelle. Cela permet de tout regrouper en passerelle, où le chef de quart est directement en lien avec la navigation et les fonctions tactiques », explique un ingénieur de DCNS. Pour les marins, cette disposition est une petite révolution. « Nous n’avons pas l’habitude d’une telle configuration. D’habitude, le CO est séparé. C’est un espace calme, avec très peu de lumière pour bien voir les consoles. Là, nous avons la lumière du jour et il va aussi falloir s’habituer à travailler avec les ordres donnés en passerelle. Il faudra aussi voir quelle sera l’ambiance lumineuse la nuit avec les consoles, les passerelles devant étant plongées dans la pénombre pour la visibilité », commente un marin. Et ce n’est pas tout puisque, en plus de la timonerie et de ce petit CO en « open space », se trouve sur l’arrière de la passerelle le PC Aviation, où seront gérées les manœuvres aériennes, qu’il s’agisse d’hélicoptères ou de drones. Là encore, il s’agit d’un véritable perchoir, offrant une très belle vue sur la plateforme mais aussi sur le dispositif de mise à l’eau des embarcations situé à l’extrême arrière.
Passerelle de L'Adroit
Un banc d’essais pour la mâture unique
Au centre de la passerelle, entre le fauteuil du pacha et le mini-CO, débouche une petite échelle. Celle-ci donne accès au dôme surplombant le navire. L’Adroit est, en effet, le premier bâtiment français à disposer d’un mât unique. Conçu par DCNS, cette mâture comprend un radôme en composite, surmonté d’une structure en aluminium. D’un diamètre de 4.6 mètres, le radôme est fabriqué avec un mélange de verre et de résine au moyen d’une technique dite d’ « infusion ». La résine est alors propagées sur des fibres de verre sèches dans un environnement sous vide, afin de garantir l’homogénéité du composite. D’un poids supérieur à une tonne, cette structure abrite deux radars Terma: le Scanter 4100 et le Scanter 6000, réunis en une seule antenne. Le premier est un radar 2D destiné à la veille surface et aérienne générale, le second étant plutôt conçu pour détecter de petits mobiles à courte distance. Il est, également, en mesure d’assurer le contrôle d’approche pour un hélicoptère. La partie supérieure du radôme accueillera quant à elle une antenne de communication pour la mise en œuvre de drones. Le mât unique, qui peut si besoin accueillir des radars équivalents (type SMART-S ou Artisan) ou des senseurs plus puissants (comme des radars 3D MRR ou Sea Giraffe) supporte différents autres systèmes. On y trouve, ainsi, un radar de navigation, mais aussi le détecteur de communication (C/ESM) et le détecteur de radar (R/ESM) Vigile fourni par Thales, ainsi qu’à sa base le système de veille et de conduite de tir EOMS NG de Sagem.
Mât unique
Mât unique
Vision à 360°, robustesse et facilité de maintenance
Son avantage est d’offrir une vision panoramique sans que le champ de détection des senseurs soit masqué par un autre mât, comme c’est traditionnellement le cas. Pour l’alimentation électrique et le recueil des informations fournies par les équipements situés dans les hauts de la structure, de petits chemins de câbles ont été intégrés au radôme, la proximité avec les antennes Scanter les rendant invisibles au radar. « C’est comme si l’on met un doigt devant le nez, on le voit pas ! », plaisantent Jacques Le Ven et Denis Quiltu, respectivement responsables de la mâture unique de l’Adroit et responsable du département lutte air surface et des projets de mâtures uniques chez DCNS. « Ce concept offre de nombreux avantages. Il permet d’obtenir une vision à 360 degrés, non seulement pour les systèmes, mais également pour l’équipage, ce qui est très intéressant dans le cadre de la lutte contre les menaces asymétriques. L’alignement vertical des senseurs permet d’éviter les interférences et l’antenne tournante, sous le radôme, est protégée des contraintes extérieures, ce qui se traduit notamment par un besoin de puissance moindre pour fonctionner. Les équipements sont, en outre accessibles depuis l’intérieur du navire, ce qui facilite la maintenance ».
Mise en place de la mâture sur L'Adroit
Construit à Lorient, le mât unique a été livré en un seul bloc, directement monté sur la superstructure du navire. « Ce concept fait l’objet de dépôts de brevets. Pour réaliser ce mât unique, nous nous sommes appuyés sur nos 40 ans d’expérience dans les matériaux composites. Il en résulte une structure robuste, capable mécaniquement de supporter de grosses contraintes, y compris des chocs militaires. Et, grâce au radôme, nous améliorons la fiabilité et la durabilité des antennes », souligne Denis Quiltu. Et les premiers essais avec les radars, menés le 28 septembre, ont permis de valider que la propagation et la réception des signaux au travers du dôme composite étaient conformes aux attentes.
L'équipage de conduite avec le commandant CF(R) Jean-Charle Kerlau
Un équipage de conduite de V.Navy
Depuis la fin de mois de juillet, L’Adroit est donc en essais. Des tests qui ont, jusqu’ici, concerné la plateforme. Ce n’est pas un équipage du constructeur, ni même de la marine, qui a été chargé de mener cette phase à bien. DCNS a fait appel à la société française V.Navy, filiale du groupe V.Ships, pour fournir un équipage de conduite. Celui-ci est composé d’une douzaine de personnes. Des « Mar Mar » comme on dit, c’est-à-dire des officiers et marins de la Marine marchande. « Qu’il s’agisse de conduite nautique, de sécurité et d’énergie/propulsion, pour nous, cela reste un bateau classique, qui est d’ailleurs classé Marine marchande », note le commandant Jean-Charles Kerlau, de V.Navy, « pacha temporaire » de L’Adroit. « Notre but est de réaliser les essais et d’effectuer les réglages, de manière à confier à la marine, qui n’a pas pour cela à mobiliser du potentiel humain, un bâtiment complètement validé au niveau de la plateforme ». V.Navy conduit ainsi tous les essais nautiques, en apportant son expertise en matière de navigation, mais également en faisant l’interface entre DCNS et les Affaires maritimes, L’Adroit ayant le statut, jusqu’à ce qu’il soit pris en main par les militaires, de navire civil. C’est pourquoi il arbore un numéro IMO et que ses capacités d’accueil sont limitées à 59 personnes pour éviter de tomber dans la catégorie des navires à passagers (à partir de 60 personnes), où la règlementation civile serait trop contraignante. Après avoir vu ce que le patrouilleur « avait dans le ventre » et effectué avec les équipes de DCNS différents réglages, le commandant Kerlau et ses hommes vont progressivement transmettre le navire au futur équipage. De ces quelques mois passés sur L’Adroit, les marins civils se disent très satisfaits : « A bord, l’équipage de conduite vient de la croisière, des câbliers ou des navires marchands. Nous ne sommes pas habitués aux bateaux gris et c’est une expérience très enrichissante, notamment d’un point de vue humain. Car entre la Marine marchande et la Marine nationale, on ne se connait pas beaucoup. Et, souvent, il y a des a priori. Là, ces a priori ont été vite levés car les marins ont été associés dès le départ et nous avons en face de nous des gens bien ».
Un bâtiment hauturier
Au fil des sorties, l’équipage de V.Navy a commencé à éprouver L’Adroit et roder la plateforme. Celle-ci se doit d’être confortable puisque les bâtiments de la gamme Gowind sont conçus comme des unités hauturières, à même de patrouiller en haute mer sur de longues durées. Bien que longue et paraissant effilée, la coque, surmontée de son imposante superstructure, n’en demeure pas moins stable. Sa largeur importante compense, en effet, sa longueur. Mais le bâtiment est, aussi, doté d’un système de stabilisation. Cette fois, DCNS n’a pas opté pour les traditionnels ailerons mais pour le système FLUME, de l’Américain Maritime Tanksystems International. D’abord conçu pour des navires civils, ce dispositif très simple consiste en des cuves longitudinales remplies d’eau. Grâce à des « chicanes », le mouvement de l’eau est ralenti, la force de cette carène liquide permettant de compenser les mouvements de plateforme. Ainsi, selon son constructeur, le système FLUME permettrait de réduire de moitié les effets de roulis. Pour l’heure, le dispositif n’a pas été pleinement testé, pas plus d’ailleurs que le bâtiment lui-même dans des conditions difficiles. « C’est vrai qu’on attend de voir comment il va se comporter dans le gros temps », reconnait un marin.
Ce ne sera en tous cas pas pour cet après-midi de début d’automne. Lancé à 20 nœuds, le patrouilleur file devant la côte bretonne sous un soleil éclatant et une mer des plus clémentes. Les mouvements sont presque imperceptibles mais, ce qui surprend, c’est surtout la discrétion acoustique. Bien que, contrairement aux frégates et sous-marins, L’Adroit ne soit pas doté d’un complexe système de réduction des bruits rayonnés, il navigue à pleine vitesse dans un surprenant silence. Et ceci est d’autant plus vrai pour les allures réduites, où la propulsion est électrique. L’appareil propulsif comprend deux lignes d’arbres et deux moteurs ABC de 2 800 kW chacun, permettant d’atteindre 21 nœuds et de parcourir 8 000 nautiques à vitesse économique, soit environ trois semaines d’opérations (cette durée est compatible avec les stocks en vivres embarqués, prévus pour nourrir 59 personnes durant trois semaines). A l’avant, un local est disponible pour installer, si besoin, un propulseur d’étrave.
Le compartiment machines de L'Adroit
Le local machine, flambant neuf, est particulièrement vaste. Là aussi, l’absence de promiscuité tranche avec les habituels « bateaux gris ». Cette place a notamment pour but de pouvoir installer des moteurs plus puissants. L’Adroit, dont le déplacement en charge sera inférieur à 1 500 tonnes, correspond, en effet, à l’entrée de gamme de la famille Gowind, dont les modèles les plus évolués atteindront 2 500 tonnes et pourront filer à près de 30 nœuds, ce qui implique une motorisation plus volumineuse. Un PC propulsion permet de suivre, à l’écart, les différentes données inhérentes au fonctionnement de la partie énergie/propulsion, dont seront responsables 7 marins seulement. La production d’électricité est fournie par deux diesels-alternateurs Volvo Penta de 470 kW chacun. Le bâtiment dispose en outre, au niveau du pont principal, d’un local abritant un diesel alternateur de secours. Ce générateur Volvo Penta de 139 kW permet, en cas de black-out, d’alimenter les systèmes vitaux comme les pompes incendie, les pompes d’assèchement, l’éclairage du bord ou encore les appareils de communication internes et externes. Ce local contient aussi un câble de terre qui permet au bateau, lorsqu’il est à quai, de se raccorder au réseau électrique terrestre. On notera aussi, sur le passe extérieur situé à proximité, le poste de ravitaillement. « Tout à été regroupé. On a, au même endroit, les tuyaux pour se ravitailler en combustible, en huile neuve et en eau douce, ainsi que ceux pour évacuer les eaux noires et l’huile usagée. C’est bien plus pratique que sur les anciens navires, où ces bouches se trouvaient souvent à des endroits différents », souligne un officier-marinier.
Menaces symétriques
En concevant la gamme Gowind, DCNS a, dès la phase d’études, pris en compte la nécessité de protéger le navire contre les menaces asymétriques, par exemple les attaques terroristes. C’est, ainsi, qu’est née la passerelle panoramique, qui permet aux marins de surveiller leur environnement à 360 degrés, que ce soit via les senseurs ou visuellement. L’industriel a, aussi, souhaité doter sa nouvelle famille de patrouilleurs et corvettes d’une panoplie de systèmes de défense comprenant des moyens non létaux. Alors que des systèmes à ultrasons pourront être mis en œuvre depuis la « terrasse » entourant la passerelle, sous celle-ci, vers l’arrière, on trouve deux canons à eau. Délivrant un puissant jet, ces canons orientables sont dirigés par un boitier transportable. On peut donc, à l’abri de la passerelle, actionner ce moyen d’autodéfense, qui couvre chaque bord sur 180 degrés. Si les marins restent dubitatifs quant à leur effet sur une embarcation rapide et maniable lancée à pleine vitesse, les canons à eau peuvent, néanmoins, être efficaces pour repousser des manifestants sur un plan d’eau et à quai, ou empêcher un abordage. Les senseurs sont également configurés pour lutter contre les menaces asymétriques. C’est le cas des radars, mais aussi de l’EOMS NG, avec sa caméra TV/IR et son télémètre permettant de détecter, identifier et poursuivre une cible, y compris de petite taille, de jour comme de nuit. En cas de menace avérée, la riposte se fera au niveau des armes.
Canon à eau
Un armement évolutif
Pour l’heure, L’Adroit doit mettre en œuvre une artillerie légère. Au « pire », le bâtiment disposera d’un canon manuel de 20 mm sur l’avant et de deux mitrailleuses de 12.7 mm au niveau de la passerelle, le tout pouvant être renforcé avec des mitrailleuses de 7.62 mm (type ANF1), avec un excellent champ de battage grâce à la configuration panoramique. Mais les négociations se poursuivent pour doter ce bâtiment d’un armement plus moderne, en ligne avec le caractère innovant de L’Adroit. Ainsi, on espère toujours, chez les industriels et les militaires, que les discussions aboutiront quant à l’embarquement du nouveau canon télé-opéré Narwhal, un système automatique de 20 mm produit par Nexter, offrant une grande puissance de feu, ainsi qu’une précision et une réactivité accrue par rapport aux armes manuelles. De même, il serait intéressant de doter L’Adroit de mitrailleuses multitubes, comme le Dillon américain (6 affûts couplés de 7.62 mm), dont il est question d’équiper les frégates La Fayette.
Quoi qu’il en soit, la coque des Gowind est conçue pour accueillir, si le client le souhaite, un armement bien plus conséquent. La plage avant est, ainsi, à même de recevoir une tourelle de 76 mm et des missiles antinavire Exocet, ainsi que des lance-leurres. Un système SYLENA de Lacroix sera d’ailleurs installé sur L’Adroit.
Embarcations des commandos marine
Un bateau de forces spéciales
Dès l’origine, l’OPV a, par ailleurs, été imaginé comme une plateforme de mise en œuvre de forces spéciales. En plus de son équipage de 32 hommes, le bâtiment dispose de logements pour 27 passagers. Cette capacité permet d’embarquer une unité de commandos, qui va trouver à bord tous les locaux nécessaires à ses besoins. En plus de couchages, le patrouilleur est, ainsi, spécialement aménagé dans sa partie arrière. Y sont logés une salle pour la préparation des missions, des locaux pour stocker le matériel, un vestiaire et des douches.
Les forces spéciales peuvent être mise en œuvre de deux manières. Soit par voie aérienne, la vaste plateforme pouvant accueillir un hélicoptère de type NH90, soit par la mer. Pour les opérations maritimes, L’Adroit a été doté d’un nouveau système de mise à l’eau d’embarcations rapides par le tableau arrière, conçu et réalisé par Bopp, une filiale de Piriou. Grâce à ce dispositif, deux engins de type RIB, longs de plus de 9 mètres, sont installés sur des rampes et doivent pouvoir être déployés en moins de 5 minutes. En plus du semi-rigide logé sur la niche tribord et mis à l’eau au moyen d’un bossoir, ces embarcations rapides, comme les nouvelles ECUME des commandos marine, doivent servir aux raids nautiques à grande distance, aux assauts à la mer ou à l’interception de navires pour des contrôles et visites. Plus tard, il sera également possible d’utiliser le système de mise à l’eau pour des drones de surface de type USV (Unmanned Surface Vehicle), y compris dans le cadre de missions de lutte anti-mine.
Rampes de mise à l'eau d'embarcation
Installations aéronautiques
L’Adroit se caractérise aussi par ses importantes installations aéronautiques. Surveillance, identification, poursuite, interventions, sauvetage… La mise en œuvre de moyens aériens est devenue incontournable sur les bâtiments modernes, y compris les patrouilleurs. Et elle fait d’ailleurs cruellement défaut aux avisos et patrouilleurs qu’aligne actuellement la Marine nationale. Très vaste, la plateforme de l’OPV, qui peut recevoir un hélicoptère de 10 tonnes, est dotée d’une grille d’appontage. A l’instar des frégates, l’hélicoptère accrochera cette grille au moyen d’un harpon. Ce dispositif permet de sécuriser les manœuvres aériennes, notamment en cas de gros temps, où il faut compter avec les mouvements du bâtiment. Plutôt qu’un hangar, on parle à bord de L’Adroit d’un « abri ». Ce local, fermé par une porte et s’étalant sur la quasi-totalité de la longueur de la superstructure, est conçu pour abriter un hélicoptère et au moins un drone de 1 tonne). Mais, contrairement aux hangars des frégates, cet espace n’est pas configuré pour assurer la maintenance des machines ou la mise en place d’armement sur celles-ci. Par ailleurs, si la plateforme peut recevoir un hélicoptère de 10 tonnes, comme le NH90, l’abri ne peut d’ailleurs contenir qu’un appareil de 5 tonnes, comme le Panther. Les premières manœuvres aériennes devraient intervenir fin novembre/début décembre pour la partie hélicoptère.
Plateforme hélicoptère
Le drone aérien au banc d’essais
En plus de son hélicoptère, L’Adroit embarquera donc un drone aérien, ce qui constitue une grande première pour la marine française. Dans le cadre des accords signés par DCNS avec des partenaires industriels pour la mise à disposition de matériels, le groupe autrichien Schiebel va déployer sur le patrouilleur français un drone Camcopter S-100. Doté d’une boule FLIR, avec caméras TV et infrarouge, cet UAV (Unmanned Aerial Vehicle) peut atteindre la vitesse de 100 nœuds et, sans réservoirs additionnels, affiche une autonomie de 6 heures avec une charge utile de 50 kilos (10 heures avec réservoirs supplémentaires). Comme l’hélicoptère, le Camcopter embarqué sur le patrouilleur devrait être doté d’un petit harpon pour les manœuvres d’appontage. L’embarquement du drone a nécessité la mise en place d’une antenne de communication spécifique, un système d’appontage automatique et une intégration au système de lutte Polaris. « La mise en œuvre de cet engin va nous permettre de travailler sur l’utilisation tactique d’un drone. C’est très important pour que nous ne restions pas à la traine, en matière de drones, par rapport à d’autres marines, y compris asiatiques », souligne un officier.
Un Camcopter S-100
Deux équipages pour un navire
A l’issue de sa première période d’essais, L’Adroit sera remis à la fin du mois à la Marine nationale. La prise de commandement est prévue à partir du 21 octobre. Le patrouilleur devrait ensuite quitter Lorient vers le 19 novembre pour gagner Toulon, son nouveau port base, une semaine plus tard. L’OPV va donc, progressivement, être pris en main par son équipage militaire ou, plutôt, le premier de ses deux équipages. Car, à l’image du bâtiment hydro-océanographique Beautemps-Beaupré, L’Adroit aura deux équipages, qui se relaieront tous les quatre mois. « C’est une première pour une unité de combat. Avant de prendre en main le bateau, le second équipage, qui assurera la relève en avril 2012, viendra avant à bord pour se former. L’avantage d’avoir deux équipages est que le bâtiment pourra naviguer plus de 250 jours par an. Pendant qu’un équipage sera en mer, l’autre travaillera sur le retour d’expérience, pourra bénéficier de formations et aussi prendre ses permissions », précise un marin.
Trois types de missions
Le double équipage, et donc la grande disponibilité du navire, conçu d’ailleurs pour bénéficier d’une maintenance réduite et pouvoir assurer un maximum de jours à la mer, permettra de faire face à l’imposant planning d’activités prévu par la Marine nationale et DCNS. Prêté aux militaires, L’Adroit sera intégré à la Force d’Action Navale (FAN), comme toutes les unités de surface de la flotte française. Le nouveau patrouilleur remplira trois types de missions. La première, opérationnelle, sera menée au profit de l’action de l’Etat en mer (AEM). Surveillance maritime, police de pêches, lutte contre le narcotrafic et l’immigration clandestine… L’Adroit, qui compte à son bord un local dédié à la détention de personnes interpellées, devrait essentiellement naviguer en Méditerranée l’an prochain. Ensuite, il est possible que le bâtiment soit déployé au large des côtes africaines et, plutôt en 2013, il rejoindra l’océan Indien pour participer notamment à la lutte contre la piraterie. Ces missions permettront de valider, à la mer, le concept Gowind et, en fonction du retour d’expérience, d’y apporter les évolutions et améliorations nécessaires.
La seconde mission de l’OPV sera le soutien à l’exportation. DCNS fonde, en effet, de grands espoirs dans sa nouvelle gamme de patrouilleurs et corvettes sur le marché international. L’utilisation de L’Adroit par la Marine nationale permettra d’éprouver le bâtiment en opérations et, au fil de ses déploiements, de le présenter à différents pays. Ainsi, sur plusieurs dizaines de jours par an, DCNS financera des temps de mer ou des présentations à quai, avec des démonstrations au profit des clients potentiels. Dans cette fonction, le partenariat avec la marine française, chargée de faire du « marketing opérationnel », sera très important. « Les déploiements que nous allons effectuer nous permettront de prendre la pleine mesure des capacités offertes par ce nouveau patrouilleur. C’est de cette manière que nous serons pertinents pour donner des conseils à d’éventuels acheteurs et, ainsi, faire du soutien à l’export au profit de DCNS ».
Enfin, la troisième mission de L’Adroit est de servir de banc d’essais pour l’expérimentation de nouveaux matériels, comme les drones. Mais il devrait aussi servir à préciser l’expression de besoin devant aboutir au remplacement des avisos et patrouilleurs. Ce programme, actuellement connu sous le nom de BATSIMAR (bâtiments de surveillance et d’intervention maritimes), doit être lancé à partir de 2015. En tout, la l’Etat-major espère obtenir une douzaine de nouveaux bateaux, voire même 18 si, ce que les marins souhaitent, le remplacement des 6 frégates de surveillance du type Floréal est intégré à ce programme.
Les marins attendent de voir mais se montrent enthousiastes
A bord de L’Adroit, le futur équipage suit en tous cas les premiers pas du navire avec beaucoup d’attention. « C’est un bâtiment très innovant. Il y a clairement des idées originales et cela devrait avoir des répercussions sur les modes de fonctionnement. C’est le cas pour la passerelle, qui rassemble tous les gens de quart, les fonctions de conduite et de combat. Cette configuration permet de centraliser les décisions mais il va falloir une discipline de communication beaucoup plus grande pour éviter le brouhaha », estime un officier. Comme ses collègues, ce dernier attend de voir, sur la durée, comment le navire va se comporter. « Nous n’avons pour le moment effectué que quelques jours de mer et nous ne sommes pas encore aux commandes. Il va donc nous falloir du temps pour avoir un avis pertinent sur le concept. Nous attendons notamment d’éprouver ce bateau dans le gros temps. Il faudra aussi voir comment se comporte par mer formée le système de mise à l’eau des embarcations par l’arrière, quelles sont ses limites et si, comme il est vendu, il peut permettre une mise en œuvre jusqu’à une mer de force 5 ». La prudence est donc logiquement de mise, en attendant le retour d’expérience. Mais il ne faut pas creuser longtemps pour percevoir l’enthousiasme du futur équipage. « C’est un projet très motivant et c’est très intéressant de travailler avec les industriels. Avec L’Adroit, nous allons pouvoir faire des missions de frégate de surveillance avec un bâtiment bien moins onéreux et un équipage réduit. Bien sûr, on attend d’aller au bout des évaluations mais les premières impressions des gens sont excellentes. Le bateau présente un super potentiel et le concept parait vraiment très bon », affirme un autre officier. Et, du côté des officiers-mariniers, on se montre également très emballés. Après la visite du bâtiment, de la cambuse aux postes en passant par la machine, les soutes à munition, la passerelle, l’abri hélicoptère et les futures installations dédiées aux commandos, les marins ont le sourire aux lèvres. « Nous avons de la place et du matériel dernier cri. On va pouvoir bien travailler », note un officier marinier. Et l’un de ses collègues d’ajouter, avec un signe de tête approbateur de ses collègues : « C’est un beau jouet, vivement qu’on se l’approprie ! ».
L'Adroit à Lorient
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